Interruption des délais de saisine des juridictions administratives. Plongeons-nous dans les délais administratifs auxquels tout usager peut se heurter en cas de contestation d’une décision prise par l’administration (contrôle des structures, permis de construire, procédures liées aux installations classées…).
Rappel des principes
En cas de contestation d’un acte administratif, trois types de recours s’offrent au pétitionnaire :
• un recours hiérarchique qui s’adresse au supérieur hiérarchique de l’auteur de la décision contestée (s’il s’agit du préfet, le recours est adressé au ministre compétent) ;
• un recours gracieux adressé à l’autorité qui a rendu la décision contestée ;
• un recours contentieux qui saisit la juridiction administrative compétente, aux fins qu’elle juge de la validité de la décision contestée.
Le justiciable dispose généralement d’un délai de 2 mois pour saisir la juridiction administrative. Ce délai est toutefois interrompu si un recours gracieux au hiérarchique est préalablement engagé dans ce même délai. Un nouveau délai de 2 mois s’ouvre à compter de la réception de cette contestation pendant lequel l’administration devra se prononcer. À défaut, l’administration est réputée avoir rejeté tacitement le recours gracieux/hiérarchique et le justiciable dispose d’un troisième délai de 2 mois pour saisir le tribunal par requête.
Ces délais peuvent devenir un chemin de croix et faire échec au pétitionnaire qui ne les aurait pas respectés, d’autant que la fixation de leur point de départ n’était, jusqu’alors, pas identique !
En cas de recours gracieux ou hiérarchique, la date d’expédition figurant sur le cachet de la poste interrompait le délai de 2 mois (date d’expédition). En revanche, en cas de recours contentieux, c’était la date à laquelle le greffe de la juridiction compétente recevait le recours qui était pris en compte (date de réception).
Revirement de jurisprudence
Dans un arrêt en date du 13 mai 2024, le Conseil d’État a décidé que sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi.
Ce revirement, favorable aux justiciables, remet sur un pied d’égalité ceux qui utilisent la voie postale, qui devaient auparavant anticiper, et ceux qui utilisent la plateforme dématérialisée “Télérecours”, qui peuvent saisir la juridiction concernée jusqu’au dernier jour, minuit.
Exemple : Maxime s’est vu notifier un refus de permis de construire le 1er janvier. Espérant pouvoir infléchir la position de la commune décisionnaire, il a adressé un courrier recommandé contestant cette décision, déposé au bureau de Poste selon cachet faisant foi le 29 février. Il a bien engagé ce recours gracieux dans le délai de deux mois.
L’accusé de réception de son courrier est daté du 2 mars. C’est la preuve de la date à laquelle la commune a reçu son recours gracieux et qui ouvre un nouveau délai de 2 mois pendant lequel elle devra se prononcer. Cependant, à la date du 2 mai, Maxime n’a reçu aucune réponse de la mairie. S’il souhaite poursuivre la contestation engagée, il devra saisir le tribunal administratif au plus tard le 2 juillet, minuit. Soit il adresse sa requête à la juridiction par le portail Télérecours, soit par courrier recommandé avec accusé de réception. Il devra déposer son courrier à la poste dans la journée du 2 juillet, avant l’heure de fermeture du bureau de poste (certains bureaux datent non pas en considération des heures de fermeture, mais des heures de levés du courrier. Soyez vigilant !), pour obtenir le cachet faisant foi de la date du dépôt de sa requête.