CHARENTE-MARITIME. Le désherbage électrique émerge comme une alternative au travail du sol et aux phytosanitaires.
Pour l’entretien sous le rang, il y avait jusqu’ici le désherbage chimique et le désherbage mécanique. Désormais, une troisième option est possible : le désherbage électrique. Raisonnance, filiale du groupe de négoce Isidore (basé en Charente-Maritime) dédiée aux pratiques viticoles durables, travaille sur cette technologie avec son concepteur, la société suisse Zasso, et compte désormais la déployer à grande échelle dans le vignoble cognaçais.
La réflexion sur les méthodes alternatives de désherbage n’est pas nouvelle au sein du groupe, explique son directeur général, Bertrand Launay : elle date de 2017, époque où l’interdiction prochaine du glyphosate est entrée dans les débats. « Nous voulions nous adresser aux viticulteurs ne souhaitant pas travailler le sol pour préserver la faune et la microfaune », détaille-t-il.
Pas d’effet sur la faune du sol
Le principe de la méthode se veut simple : des électrodes, alimentées par le tracteur, sont installées à l’avant et à l’arrière de l’engin. L’électricité circule du pôle positif vers le pôle négatif ; « la plante sert de conducteur, elle est soumise à une surtension qui en fait exploser les cellules », indique Bertrand Launay. Il y a un effet à la fois choc et systémique sur la partie aérienne et le racinaire qui sont détruits. Le courant électrique n’altère pas les vers de terre ou les micro-organismes du sol qui sont à proximité, hormis peut-être ceux qui touchent directement les racines soumises au courant. « C’était un point auquel nous étions très sensibles, d’autant que le travail du sol est, lui, particulièrement agressif à ce niveau. »
Le directeur du Groupe Isidore avait déjà vu cette technique à l’œuvre au Brésil, mais il fallait encore l’adapter aux règles françaises et européennes afin de faire homologuer le matériel. Pendant deux campagnes successives, Raisonnance a travaillé avec l’IFV (Institut français de la vigne et du vin) pour valider les résultats d’efficacité sur l’ensemble de la flore présente dans les vignes, mais également l’absence de conséquences pour la macro et microfaune du sol et élaborer ainsi un itinéraire technique pertinent.
La durée d’un chantier est estimée entre deux heures et deux heures et demie par hectare et par passage. Pour cela, le groupe s’appuie sur une entreprise de travaux agricoles, car une accréditation du chauffeur est nécessaire. Avec quatre passages et à un tarif à 97 Ä de l’heure, cela revient jusqu’à 970 Ä, pour un îlot de cinq hectares ; pas si éloigné, selon Bertrand Launay, des prix du désherbage mécanique. « Mais en travail du sol, plus vous remuez et plus vous faites remonter à la surface un stock de graines d’adventices, rappelle-t-il. Le désherbage électrique ne remue pas le sol. Notre objectif, c’est aussi de regarder sur le moyen, long terme, pour voir si, après une première année avec quatre passages, trois peuvent suffire sur la deuxième ou la troisième… »
Soutien pour la qualité de l’eau
La technique a en tout cas suscité l’intérêt des institutions. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a accordé une aide de près de 180 000 Ä à Raisonnance pour ses travaux d’innovation sur le désherbage électrique et le biocontrôle. Un bon moyen d’accompagner et de développer cette technologie ; mais aussi de quoi faire des zones de captage, particulièrement sensibles aux phytosanitaires, les laboratoires d’un désherbage appelé à se développer dans un vignoble cognaçais désireux de se passer des herbicides dans les prochaines années.