Sylviculture. L’antenne de Périgueux de Fibois Nouvelle-Aquitaine analyse les marchés, essence par essence.
On pouvait raisonnablement se demander, au début de l’année, quelles seraient les tendances du printemps pour les marchés du bois car le pessimisme était plutôt de rigueur fin 2023. Néanmoins, depuis quelques mois et de façon progressive, une reprise d’activité est à mentionner dans certains secteurs d’activité. Cette tendance reste à modérer car le manque de visibilité est largement évoqué par les chefs d’entreprise qui parlent aussi d’un effet de saisonnalité.
Nous devons évoquer en premier lieu les situations très difficiles qu’ont connues et que connaissent encore les professionnels de l’exploitation forestière. Les cumuls de précipitations de cet hiver et du printemps ont rendu l’accès à la ressource et aux stocks de bois en forêt souvent impossibles. Les flux de matière, même faibles, ont été tendus durant toute cette période. Retenons que les entrepreneurs de travaux forestiers en sortent fragilisés.
Par ailleurs, le secteur du bâtiment que beaucoup scrutent avec attention est toujours en difficulté pour ce qui concerne la construction neuve, et nombreux sont les projets de construction en stand-by, voire annulés ou reportés. A contrario, les activités de la rénovation/réhabilitation continuent de remplir les carnets de commandes des entreprises. L’autre grand secteur d’activité que nous nous devons de suivre est celui des emballages bois. La fabrication et la commercialisation de palettes sont en souffrance depuis fin 2023. Quelques signes positifs sembleraient indiquer une reprise que beaucoup attribuent à la période (printemps) en principe plutôt favorable à ce marché.
Nous vous proposons ci-après une lecture par essence et par marché afin de détailler quelque peu les niveaux d’activités des principaux secteurs de la filière forêt bois papier en Nouvelle-Aquitaine.
Pin Maritime
La situation délicate que nous constations fin 2023 sur les produits d’emballage (palettes) ne s’est que tardivement et très légèrement infléchie au printemps.
La demande reste timide chez certains acteurs quand d’autres disent qu’elle est à l’arrêt. Les prix des produits sont bas et les approvisionnements sont encore difficiles, sans omettre l’envolée du prix de l’électricité qui, même si elle a été stoppée en 2024, est actuellement payée plus cher par les transformateurs que les années précédentes. L’ensemble de ces facteurs pénalise donc particulièrement cette activité, qui peine à retrouver des perspectives.
Les premières qualités de pin maritime utilisées en produits de décoration, bardage, menuiserie… se valorisent un peu mieux avec des marchés qui restent demandeurs, même si la concurrence est rude.
Douglas et épicéa
La mobilisation des résineux de montagne s’est stabilisée en 2022 (1,268 million de m3) sur le territoire de la Nouvelle-Aquitaine. Le marché de la construction est le principal pour ce groupe d’essences. Il semble y avoir un effet “jeux olympiques” pour ces bois avec un niveau de demande en France qui semble être plus dynamique que dans le reste de l’UE.
La situation constatée sur les valorisations en bois d’emballage de ces résineux est légèrement meilleure que celle évoquée sur le pin maritime : une reprise un peu “molle” et des perspectives à suivre pour ce marché.
La Nouvelle-Aquitaine est la seconde région française en 2022 pour la production de sciages résineux (1 806 872 m3 sciés) juste derrière la région Auvergne Rhône-Alpes.
Chêne
Le chêne est une essence qui continue d’être bien valorisée en Nouvelle-Aquitaine que ce soit en sciage ou pour les marchés de la traverse/bois sous rails, ou les merrains pour la tonnellerie. La situation de ces marchés est globalement stable à l’exception du marché du parquet.
Le secteur de la tonnellerie est bien représenté en Nouvelle-Aquitaine avec 50 entreprises, 1 250 salariés et 350 MÄ de CA. Il est consommateur de bois de haute qualité (en provenance de nombreuses régions de France). Les inquiétudes des professionnels résident dans la concurrence d’accès à la ressource avec d’autres activités de transformation (contractualisation des scieurs avec l’ONF).
D’un point de vue marché, l’année 2023 est une année stable pour ce secteur même si la consommation de vin continue de baisser et que moins de barriques ont été exportées dans le monde. La fabrication de fûts pour les spiritueux s’est, quant à elle, maintenue suite à une belle récolte et un beau millésime dans la région de Cognac. Néanmoins, des incertitudes planent sur la prochaine saison devant la diminution de l’export de cognac.
Le marché de la charpente (plutôt destinée à la rénovation) présente quelques signes de faiblesse sur le marché intérieur, on ne constate pas d’effet “Notre-Dame”. Les opérateurs notent également quelques baisses de volumes à l’export pour ce type de produit. Les marchés tendent à se resserrer.
Pour ce qui est du marché des traverses et bois sous rails, la SNCF a bien conclu ses nouveaux marchés pour 2024 mais avec volumes et des prix unitaires à la baisse (- 10 %). Le marché de la traverse paysagère, à l’arrêt depuis un certain temps, semblerait montrer quelques signes de reprise en ce printemps.
Enfin, pour le marché du parquet, quasiment tous les opérateurs nous font état d’un marché en berne (- 30 %). Localement, les professionnels tirent un peu mieux leur épingle du jeu en valorisant leurs débits vers d’autres marchés comme celui de la planche à cercueil, qui reste bien orienté.
Châtaignier
Le marché des produits en châtaignier sur la région reste plutôt positif, que ce soit en produits ronds pour les usages extérieurs (piquets, tuteurs, échalas, treillage…) comme en produits sciés.
Des investissements ont eu lieu et la capacité de transformation des bois ronds de châtaignier a augmenté. La récolte de produits de châtaignier est d’ailleurs en nette augmentation dans les dernières données statistiques (+ 7 %).
Peuplier
La tendance observée sur cette essence depuis le début de l’année est conforme à la tendance fin 2023, à savoir une reprise graduelle des achats de bois sur pied pour des marchés qui se stabilisent (sciage et déroulage). Les lots de bois de qualité sont favorisés comme habituellement en ces périodes de moindre tension sur les approvisionnements.
On note que le renchérissement des produits de sciages, dû à une augmentation des coûts de production (énergie, matière…), pénalise quelque peu les valorisations et l’écoulement de ces produits. Ils sont confrontés à la concurrence de produits résineux.
Côté reboisement et replantation, les professionnels évoquent, cette année, d’importantes difficultés pour accéder aux parcelles à reconstituer (zones inondées et impraticables). Les pépiniéristes ont stocké les plançons et la campagne de plantation risque de se décaler sur une période “chaude”.
Il est important pour cette filière populicole de ne pas se démobiliser car les transformateurs régionaux restent actifs et en demande de bois de qualité (bois jeunes élagués).
Bois d’industrie
Le marché de la pâte à papier est reparti depuis le début de l’année. Le secteur est confronté aux mêmes difficultés d’accès à la matière première, mais les stocks des usines de trituration ont pleinement joué leur rôle de lissage dans les approvisionnements.
Les prix du bois d’industrie feuillus et résineux sont globalement stables.
Bois de chauffage
La saison de chauffe 2023/2024 a été assez moyenne avec un hiver humide et peu rigoureux. En revanche, elle aura été beaucoup plus longue qu’à l’habitude avec le maintien d’un temps très humide au printemps. Les prix des énergies fossiles et de l’électricité sont élevés, les utilisateurs continuent donc de privilégier ce mode de chauffage économique.
Conclusion
La situation des entreprises de la filière est globalement stable, des inquiétudes comme des espoirs sur nombre de marchés rendent une appréciation globale des plus délicates, mais nous pouvons faire preuve d’un « optimisme modéré ». La situation sera de nouveau à apprécier d’ici la fin de l’année, après les périodes électorales en Europe et aux États-Unis.
La perte de visibilité et le manque de perspectives sont des éléments avec lesquels nos responsables d’entreprise ont appris à composer. Ceux qui font le choix de diversifier leur offre, qui multiplient leurs marchés, semblent mieux s’en sortir actuellement.
Le pilotage et l’adaptabilité des outils de production comme la maîtrise des dépenses énergétiques des entreprises jouent pleinement dans le gain de points de compétitivité. On constate de vrais changements de ce point de vue, avec des entités qui s’engagent dans la maîtrise et la réduction de leurs dépenses énergétiques, et la décarbonation de leur process.
Enfin, la dynamique d’investissement au sein de la filière ne paraît pas diminuer. Les récents appels à projets de l’État ont trouvé des échos positifs dans les entreprises, ce qui est un bon indicateur d’avenir de la filière Forêt-bois-papier régionale.
La situation politique récente interroge cependant…