Les agriculteurs ne lâchent rien dans leur mobilisation. Après avoir bloqué l’autoroute A89 et les ronds-points stratégiques du département, et rendu visite à la laiterie locale, Formarsac (groupe Savencia), ils rentrent dans la ville de Périgueux. Une centaine de tracteurs sont attendus, cet après-midi, devant la préfecture.
« Des normes, des papiers… On nous en demande toujours plus, plus, plus. Ça n’est plus possible. » La coupe est pleine pour Olivier et Fabrice Etropie, éleveurs laitiers à Saint-Martin-de-Ribérac. C’est la deuxième fois en deux jours qu’ils “descendent” à Périgueux pour manifester leur ras-le-bol avec leurs confrères. Mercredi, c’était en bloquant l’autoroute. Ce jeudi, leur déplacement a plus que jamais du sens puisque c’est pour protester du non-respect de la loi Egalim, devant la laiterie Fromarsac, à Marsac-sur-l’Isle. « On pourrait croire que nous ne sommes pas concernés parce que nous fonctionnons avec Terra Lacta, en Charente, mais tous les gros industriels s’entendent entre eux. Une fois que notre lait bio a été collecté, il ne nous appartient plus et c’est déjà arrivé qu’il ne soit pas amenés à Terra Lacta mais descendu ici, à Fromarsac, pour être mélangé à du lait qu’on fait venir de l’étranger et faire du Tartare », se désole Olivier. Alors, avec son frère, il est reparti à la ferme, deux soirs de suite, pour nourrir ses bêtes et procéder à la traite avant de revenir à Périgueux à chaque fois.
« Les éleveurs, surtout, sont à bout, remarque Anaïs Claudel, responsable administrative et animatrice au Jeunes Agriculteurs Dordogne. Ils préfèreront rester là, sur les ronds-points, que de repartir sans rien dans leur ferme. » Sans rien signifie sans mesures concrètes concernant notamment la nouvelle PAC. Loïc élève des bovins, ovins et canards, en association avec son frère, à Fouleix. Il dénonce les éco-régimes : « On entend beaucoup parler du GNR (gazole non routier, ndlr) et du remboursement de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ndlr), mais pour moi, ça ne suffit pas. Il faut plus de rémunération dans les corps de ferme. Au niveau de la PAC et des éco-régimes, il manque de l’argent. C’est 20 €/ha ; sur une exploitation comme la nôtre, ça fait environ 4 000 €. C’est ce genre de chose qui doit revenir dans les fermes, et très vite, dans le mois. » Pour lui, le manque à gagner est criant. « Avec ce trou de 4 000 € et les charges qui explosent, notamment pour des frais sanitaires autour de toutes les maladies comme la MHE (maladie hémorragique épizootique, ndlr) et la FCO (fièvre catarrhale ovine, ndlr), nous entamons notre année avec – 10 000 € ; c’est largement le salaire d’un de nous deux. »
Pas de débordements
Si la colère est forte, les manifestations se sont toutes, jusqu’à présent, déroulées dans le calme. Les agriculteurs évoluent en accord avec les forces de l’ordre, cornaqués par leurs représentants, tous syndicats confondus (FDSEA, Jeunes Agriculteurs et Coordination rurale). Nous voulons que ça se fasse dans le respect des règles. Notre but est que les autorités entendent notre message. S’ils passent leur temps à appeler les pompiers parce que ça crame, c’est contre-productif », rappelle-t-on fermement chez les Jeunes Agriculteurs de Dordogne.
Le mot d’ordre a plutôt intérêt à être suivi cet après-midi : une centaine de tracteurs est annoncée pour gagner la préfecture. « Il en arrive de partout », confiaient les Jeunes Agriculteurs, à la fois étonnés et ravis que le mouvement ne s’essoufle pas.