L’ivresse des vendanges

Au château Le Raz, les vendanges ont commencé le 5 septembre par les cépages blancs. (Ph. A. Merlingeas)

VITICULTURE. Au château Le Raz, à Saint-Méard-de-Gurçon, la famille Barde vendange le millésime 2023 dans un contexte compliqué par les dégâts de mildiou et les fortes chaleurs.

Il règne un calme trompeur au château Le Raz, à Saint-Méard-de-Gurçon, ce jeudi 7 septembre à 7 h du matin. Les vendangeurs s’offrent un court moment de repos avant que le conducteur de la machine à vendanger reparte récolter les raisins et que les bennes affluent au chai avec leur précieux chargement, qui va être pressé dans le pressoir pneumatique. « Je suis là depuis minuit. Tout à l’heure, je me suis posé une demi-heure. Hier, sur 24 heures, j’ai dormi trois heures », explique Patrick Barde qui dirige la structure (SCEA du Maine) avec son cousin, Cyril, et la sœur de celui-ci, Nathalie Barde. « On mange ensemble le midi. Par le passé, il est arrivé qu’on s’endorme dans l’assiette. Quand la tension nerveuse lâche, en fin de vendanges, pendant une semaine, c’est dur », confie le vigneron. 

Les viticulteurs ont commencé les vendanges, mardi 5 septembre, par les cépages blancs comme le sauvignon. « Tout se passe dans un laps de temps très court. On les récolte. Ils sont pressés et préparés à la fermentation. Il faut le faire tout de suite », assure Patrick Barde. Vu les chaleurs, 34 à 35 °C la journée, les vignerons travaillent la nuit, à partir de 2 h du matin. Un groupe de froid permet de refroidir le jus. Avec les températures élevées de plus en plus fréquentes chaque année, les vendanges deviennent une course contre la montre pour ne pas être pris de vitesse par le taux de sucre et d’alcool. « L’an dernier, j’ai fait 30 jours d’affilée sans repos. Il faut gérer la récolte, la vinification. C’est jour et nuit », admet Régis Giron, ancien maître de chai du vignoble durant 42 ans. Retraité, il vient encore donner un coup de main afin d’assurer le passage de témoin à sa remplaçante, Francesca Contessi, une jeune Italienne de 25 ans, originaire de Lombardie, qui effectue sa deuxième saison au château Le Raz. 

Au domaine, une ambiance familiale prédomine. « C’est un travail d’équipe », insiste Patrick Barde, dont la structure a obtenu le titre de vigneron de l’année, le 2 juin, lors du concours des vins de Bergerac et Duras. « Nous sommes tous meilleurs vignerons ! » 

L’équipe a été rajeunie ces dernières années avec désormais une forte proportion de femmes. Le vignoble emploie 14 salariés, sans compter les saisonniers. Toute la production du vignoble est vendue en bouteilles (400 000 à 500 000). Si on ajoute une activité de négoce mise en place avec plusieurs viticulteurs du secteur, l’activité monte même jusqu’à 800 000 bouteilles commercialisées auprès de cavistes, restaurateurs et grossistes, dont 30 % à l’exportation, en majorité en Europe, mais aussi en Chine ou aux États-Unis. Le domaine a développé une gamme IGP Périgord pour attirer de nouveaux consommateurs.

Dégâts de mildiou

Quant au millésime 2023, il sera spécial. Il est marqué par de puissantes attaques de mildiou. Si les blancs ont été relativement peu touchés au château Le Raz (environ 10 % de pertes), les dégâts sont beaucoup plus marqués dans les vignes plantées en cépages rouges. « J’ai une parcelle de trois hectares de merlot, je crois que nous n’allons pas la récolter », affirme même Patrick Barde qui indique que ce cépage représente 60 % de la surface en rouges. « On ne pourra évaluer les pertes qu’après, mais sur les rouges, c’est très important. »

Cette année, le vignoble avait échappé au gel, contrairement à 2017, et à la grêle ; un gros orage avait mâché les vignes en 2020. « En 42 ans, je n’ai jamais vu une attaque de mildiou aussi intense », assure Régis Giron. Loin d’être fataliste, Patrick Barde ne se résigne pas à l’unique explication d’une météo chaude et très humide intervenue dès le printemps. « Nous avons 100 % de dégâts sur une parcelle et beaucoup moins sur une autre, juste à côté, alors qu’elles ont été traitées au même moment », note le vigneron qui évoque l’évolution des pratiques culturales. « Comme on n’utilise plus de désherbants, on travaille le sol. La poussière amplifie le phénomène du mildiou. On réfléchit à tout ce qu’on a fait dans les vignes qui a pu créer cette différence. » Une multitude de facteurs additionnés expliquerait cette recrudescence extraordinaire de la maladie. « Nous avons de moins en moins de produits à disposition », ajoute-t-il. 

Les vignerons ont planté un hectare de floréal, un cépage blanc résistant aux maladies. « On y va à tâtons. Je voudrais planter un cépage rouge résistant mais il faut qu’il corresponde aux vins que l’on fait », affirme-t-il. Même si les clients demandent parfois des innovations, la priorité reste de produire « des bons vins » pour le vigneron. 

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