OVIN. Didier Pernet s’est installé avec des moutons allaitants dans le Ribéracois. Sans terre, il entretient les parcelles de particuliers, collectivités et agriculteurs. Il se prépare à l’arrivée du loup.
Entre son métier à Cerfrance qu’il a connu plus de 20 ans, à étudier les résultats comptables des agriculteurs, et celui d’éleveur ovin, constamment à l’air libre, Didier Pernet a choisi la seconde option, la cinquantaine venue. « Cela faisait quelque temps que je ne tenais plus dans mon bureau. Avant, je voulais être garde-chasse », explique l’éleveur.
Cet habitant de Saint-Méard-de-Dronne, près de Ribérac, a commencé à réfléchir sérieusement à son installation en 2018. En parallèle, il s’intéressait à la problématique de l’arrivée du loup avec ses clients, à Cerfrance. Pour mieux connaître le prédateur, il réalise un stage éco-volontaire. Il va surveiller un troupeau de moutons, la nuit, avec des patous dans les Alpes-de-Haute-Provence avec Ferus, association de défense du loup, de l’ours et du lynx en France. « Cette expérience m’a ouvert les yeux sur l’élevage de moutons en plein air. Au sommet des montagnes, j’ai monté mon projet dans ma tête. » À l’origine, il était plutôt tenté par l’élevage de chèvres, il finit par orienter son projet en ovin allaitant… sans terre ni bergerie pour limiter ses investissements. « En regardant les comptabilités des agriculteurs, dans mon activité à Cerfrance, j’ai vu qu’une grande partie des charges est liée à la mécanisation, aux bâtiments, mais aussi à l’engrais, aux produits phytosanitaires et à l’aliment. À 50 ans, je voulais trouver un système qui enlève ces charges. » Avec sa femme, il rencontre Thérèse Kohler, bergère sans terre, pour avoir un témoignage sur sa future activité. « En juillet, nous allons regrouper nos troupeaux pour avoir deux semaines de vacances chacun », ajoute-t-il.
Entretien de terrains
En 2019, il lance son projet en achetant son premier lot de 55 brebis landaises, une race rustique, adaptée à sa pratique dans laquelle il ne fait pas de prophylaxie systématique. « Elle a l’avantage de faire un petit tous les ans et de s’accommoder de conditions difficiles. J’ai gardé mes femelles. Je suis monté à 220 ou 230 brebis en quatre ans », raconte-t-il. Il a continué à travailler à Cerfrance Dordogne jusqu’au début de l’année 2022 où il a démissionné pour se consacrer pleinement à sa nouvelle activité et devenir agriculteur.
Pour nourrir ses animaux, il travaille avec des particuliers, des collectivités et d’autres agriculteurs qui mettent à disposition des terrains, dans le cadre d’un prêt à usage dans la Vallée de La Pechaye. « Je travaille de plus en plus avec des éleveurs ou des céréaliers qui me proposent des surfaces. » Il a mis en place un échange de bons procédés avec son voisin, Patrick Dubesset, éleveur de veaux sous la mère. L’hiver, en janvier et février, l’éleveur met ses moutons dans des parcelles céréalières (environ 20 ha) où ils mangent les repousses et les couverts. Cette expérimentation est suivie par la Chambre d’agriculture. Didier Pernet affirme ne pas manquer de terres pour nourrir ses animaux. « Partout, il y a de l’embroussaillement et de l’herbe qui se perd. Je propose une sorte de service pour les gens qui ne peuvent plus entretenir leurs terrains », raconte-t-il. L’an dernier, pour son troupeau de 220 moutons, il a utilisé 150 ha de terres diversifiées (bois, lande, couverts végétaux et prairies temporaires). « Je mets un point d’honneur à ne pas concurrencer les agriculteurs », ajoute-t-il.
Protection du troupeau
Il possède 6 ha de prairies en propriété. Au final, son installation lui aura coûté moins de 20 000 Ä, en comptant l’achat du troupeau initial, des filets de clôtures et d’une bétaillère. Il compte investir dans de nouveaux abreuvoirs. Il bénéficie d’aides du Département. Rapidement, Didier Pernet s’aperçoit qu’il lui faut des chiens pour conduire le troupeau, deux borders collies qu’il dresse.
Pour préparer l’arrivée imminente du loup et protéger également son troupeau contre la prédation des chiens errants, renards et même des blaireaux, Didier Pernet veut intégrer des chiens de protection, des patous. « Pour moi, c’est beaucoup plus compliqué que d’avoir un chien de troupeau. S’il fait une bêtise, vous la corrigez tout de suite alors qu’un chien de protection passe 95 % du temps seul. Il faut qu’il s’intègre au troupeau et que celui-ci l’accepte pour que le troupeau devienne une famille qu’il doit défendre », explique l’éleveur qui a connu une première expérience ratée. Didier Pernet a également intégré le plan de prévention des risques de prédation mise en place par le Civam PPML (produire, partager, manger local). « Dans mon système, c’est indispensable de protéger mon troupeau. Sinon, je vais disparaître », assure-t-il. Par ailleurs, il a construit un bâtiment photovoltaïque de 680 m2 (100 kWc de puissance), dans le cadre des projets collectifs Agrisoleil. Il milite également pour que son secteur devienne zone pastorale comme le Sarladais.
TRANSFORMATION
Relancer l’abattoir de Ribérac
En 2022, Didier Pernet a vendu 50 % de ces animaux en direct à la ferme et par cagette.net, en caissettes de 6 kg avec des portions sous vide et des produits transformés (merguez, saucisses, keftas, saucisson, chorizo, jambon…). Le reste des animaux a été vendu à un grossiste. Aujourd’hui, il fait abattre à Bergerac. La découpe et la transformation ont lieu chez Garon fils, à Saint-Saud-Lacoussière. L’éleveur fait partie du groupe de quatre agriculteurs qui souhaitent relancer l’abattoir de Ribérac. « Nous voulons un système de gestion collective et un projet qui réponde aux besoins du territoire. »