L’abattoir est sur les rails

Magali Calmon (à gauche) accompagne les producteurs dans la création de cet outil d’abattage qu’ils veulent à la fois artisanal et qualitatif. (Ph. L. Lemaire)

PALMIPÈDES GRAS. Épaulé par les collectivités et la Chambre d’agriculture, un groupe de producteurs relance le projet d’abattoir multi-espèces à Sarlat, avec chaîne d’abattage et atelier de découpe.

« Nous luttons contre le “Ça ne se fera pas”. » Sylvain Javoy, producteur de canards à Sainte-Mondane et trésorier de la Scica (Société d’intérêt collectif agricole) La plume du Périgord noir, souligne ainsi l’un des écueils dans lequel son groupe évite de s’abîmer. Il est vrai que le projet d’abattoir que la Scica relance aujourd’hui a déjà un long passif.

Par deux fois, il a été, sinon stoppé, au moins mis en sommeil. « L’idée remonte à 2017, se souvient Bernard Mazet, dernier représentant des producteurs engagés à l’origine du dossier. Il fallait remplacer l’outil vieillissant qu’était l’abattoir de Prats-de-Carlux. À l’époque, ça ne s’est pas fait à cause de la proximité du couvoir. » Déplacé à la Borne 120, l’abattoir est alors soutenu par la coopérative Sarlat Périgord foie gras. Mais la lenteur administrative, les épisodes de grippe aviaire ainsi que la Covid voient les gros apporteurs quitter le navire.

Jusqu’à aujourd’hui : 2023 relance la machine. « Le permis de construire va être déposé en mai », annonce Bernard Mazet, devenu président de la Scica La Plume du Périgord noir, qui regroupe donc des producteurs d’oies et de canards pour porter ce nouvel élan. Ils ne sont pas seuls dans l’aventure. « Quand les gros apporteurs sont partis, les politiques se sont impliqués. Ils se sont rendu compte qu’il fallait un outil d’abattage local ; sans quoi, il n’y aurait plus d’oie à Sarlat. Ils nous ont donc proposé un terrain », rappelle Sylvain Javoy.

Les communautés de communes de Sarlat-Périgord noir et du Pays de Fénelon se sont associées au sein du Sides (Syndicat intercommunal pour le développement économique du Sarladais) pour être maître d’ouvrage du projet. Ce dernier devrait prendre place sur l’ancienne friche de Rougié, à Sarlat.

Fait « comme à la maison »

Focalisé au départ sur l’abattage d’oies et de canards, il s’est enrichi d’une nouvelle compétence, pour répondre à la demande d’une « plumaison de qualité pour les volailles maigres et festives (chapons, pintades…) », note Sylvain Javoy.

Le but est de créer un outil mutualisé qui fonctionne de façon artisanale. Les producteurs veulent se démarquer d’une démarche industrielle. « Nous voulons garder une finition parfaite, que ça soit fait comme à la maison, dans la tradition », insiste Bernard Mazet. « Nous, les canards, nous les mettons en boîte derrière, donc si c’est pour passer autant de temps à enlever les plumes qui restent que si nous le faisions nous-mêmes, ce n’est pas la peine », renchérit le trésorier.

Pour veiller au grain, ce sont les producteurs de La plume du Périgord noir qui seront en charge de l’installation de la chaîne d’abattage, quand le Sides sera responsable des murs qu’il leur louera. Environ 800 m2 sont prévus pour accueillir l’ensemble des machines nécessaires à l’abattage mais aussi à l’atelier de découpe. « Nous avons voulu une diversification et un aspect multi-espèces pour augmenter l’activité et les volumes. Donc, les producteurs pourront amener leurs canards et récupérer les morceaux sous vide », explique Bernard Mazet. Un argument pour attirer d’autres apporteurs, espèrent les membres fondateurs.

« Moi je produis 1 500 canards par an, de même que Cathy Lefebvre [secrétaire de la Scica, ndlr]. Nous sommes des petits mais tout le monde a besoin d’un outil d’abattage. Nous comptons sur ceux qui vont sortir du bois quand le projet sera lancé », remarque Sylvain Javoy. « Vous savez, c’est comme avec la mayonnaise : personne n’en veut jusqu’à ce qu’il y ait quelqu’un qui aille la chercher et la mette sur la table. Cet outil, tout le monde en voudra quand il existera », résume Cathy Lefebvre  en souriant.

400 têtes à l’heure

Désireux d’avoir un abattoir qui tienne la route et soit parfaitement adapté à leurs besoins, les adhérents actifs de la Scica ont visité plusieurs outils d’abattage dans le Gers, sont allés jusqu’à Saint-Étienne rencontrer le fabricant de la future chaîne, et se sont inspirés d’autres qui ont créé leur abattoir à Gramat. « Nous avons rencontré les collègues de La plume du Causse pour cibler les écueils de leur mise en route », raconte Sylvain Javoy. 

À Sarlat, la chaîne devrait tourner à environ 400 têtes abattues par heure pour les canards ; « ça sera sûrement moins rapide pour les oies », assure Bernard Mazet qui, pour l’heure, comme ses collègues, contribue à faire tourner l’abattoir de Prats-de-Carlux, en collaboration avec le personnel de l’Esat.

Souci environnemental

La plume du Périgord noir s’est également dotée d’une chargée de mission, Magali Calmon, recrutée depuis décembre dernier pour aider à monter ce projet grâce à son expérience. « J’ai déjà contribué à créer des abattoirs ailleurs, à plus petite échelle. Le but, ici, est d’atteindre un certain équilibre économique. Par définition, un abattoir n’est pas un outil rentable mais on peut réussir à ne pas être déficitaire. »

Pour cela, la Scica veut explorer toutes les options, notamment celles, dans l’air du temps, environnementales. Photovoltaïque, récupération de chaleur, économies d’énergie sont aussi dans le cahier des charges de l’abattoir, de même que le bien-être animal.

EN CHIFFRES

15 employés environ à recruter pour le futur abattoir

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